04

AX 77786 MN

C’est un ancien agent secret

il a reçu un jour une balle perdue dans sa coque.

Depuis, immobilisé sur son lit de vase,
il raconte le soir à la veillée
des histoires incroyables, dignes de « James Bond »,

quand il partait pour des missions délicates
au large des îles Logoden.

03

Minette

elle se mire dans l’eau toute la journée
elle se trouve si belle
avec cette ligne délicatement dessinée,
soulignant la courbe exquise de son corps

et cette huppe à l’avant comme un accroche-coeur,
pour faire craquer les gars de Pen er Men.

Elle se balance les hanches
lentement
sûre de son pouvoir
et de sa séduction

au temps lascif des marées montantes.

02

Mickaël

Est-ce le prénom d’un ange
venu là choisir cette barque comme ancrage
pour une douce retraite méditative,

ou le nom d’un enfant
qui va sauver le monde
encore une fois

de son rire cristallin ?

01

A l’aube

Le matin
à l’aube,
il ne faut pas trop déranger

les barques.

Elles regagnent leur mouillage silencieusement
après les folles sarabandes de la nuit.

Elles sont occupées
à calculer exactement
dans quelle position et sous quel angle,
elles seront les plus belles

pour se faire admirer.

00

Pourquoi les barques sont mes amies ?

Quelquefois je me demande bien pourquoi
m’est venue un jour cette obsession des barques,
pourquoi vouloir ainsi leur parler, toutes les photographier,
recueillir avec tant d’insistance leurs messages ? (…)

Au début j’ai commencé à remarquer leurs noms
– le nom des barques est toujours rempli de poésie.
Bientôt j’ai commencé à écrire des histoires autour de cette poésie,
puis m’est venue l’envie de les photographier,
textes et photos se sont accumulés au fil des années.

Peu à peu, j’ai eu le sentiment que les barques me confiaient une mission,
j’étais devenu leur messager,
je devais recueillir avec la plus grande attention
leur parole, leur présence,
afin d’en rendre compte au monde des humains.

Alors tout s’est mis en place facilement :
un choix de textes s’est imposé avec évidence,
un envoyé des barques, un magicien
est arrivé pour me proposer son aide afin de mettre en page
et de publier un livre.

Maintenant j’en suis sûr, les barques ont de grands pouvoirs.

14-devenir-rien

devenir rien
devenir humble
devenir humain

au contact de la mer
en sa toute puissance

avec l’exacte conscience
de son impermanence

pas de manque ni de contrariété

juste humer l’air
sur la plage désertée
juste onduler de l’âme dans la houle
avec le picotement du soleil sur la peau
la caresse des vagues dans le sable

la mer déploie de tout son long
sa générosité bleue

le vent joue dans les cheveux
sa musique insouciante

devenir rien
devenir humble
devenir humain

13-sur-l-ile-2

de l’autre côté

sur l’île
au centre de la mer
à mille lieux de tout désastre possible

il suffit de lâcher prise
aux anxiétés du continent

de l’autre côté
sur l’île
il suffit de s’immerger doucement dans les flots
humer les parfums d’algues et de coraux
s’enrouler dans la courbe parfaite des vagues

il suffit de prendre note à chaque instant
avec les mots du poème
l’eau de l’aquarelle

en effleurant du pied
le sable mouillé des plages
la spirale des coquillages

de l’autre côté
sur l’île
il suffit de revenir à l’origine
à l’écoute
à l’école

recevoir l’être
dans le silence des récifs
le battement d’ailes
des grands oiseaux marins

de l’autre côté
sur l’île
au centre de la mer

à mille lieux de tout désastre possible

12-de-l-autre-cote-sur-l-ile

de l’autre côté

sur l’île
le souffle du vent
sur le ventre de la mer érectile

l’étalement liquide de l’être
cette fluidité rassurante
le bain de vigueur
dans les scintillements de l’écume

de l’autre côté
sur l’île
tout est futile
hors de propos
surtout les mots

rester là longtemps
dans l’éclat du présent
immobile

quand la mer est souveraine
à mille lieux de tout désastre possible

au loin
on entend le bruit d’un homme tapant sur sa pierre
avec entêtement

le bruit d’un homme porté par le vent
dans le fracas des vagues

11-la-lumiere-est-eblouissante

de l’autre côté

la lumière est éblouissante
la solitude rutilante
les automobiles roulent silencieusement
sur des coussins d’air

les fleurs sont rares
presque fanées
mais leurs parfums vous entrainent
vers le mystère

il n’y a plus de soucis à se faire
l’homme s’en va doucement
sur sa pente

de l’autre côté du désastre

vers sa métamorphose

10-se-laisser-devaler-la-pente

aux lisières du désastre

se laisser dévaler la pente
lâcher toutes les retenues
toutes les résistances

aux lisières du désastre
s’abandonner à la légèreté de la neige
aux transparences bleutées du ciel
à ce soleil qui crépite sa lumière

moi devenu inutile
dérisoire
sans raison

la montagne s’amuse à faire des vagues
profondes comme la nuit des temps
les arbres trônent triomphalement
lançant leurs branches vers le ciel

moi devenu inutile
dérisoire
sans raison

peut disparaître enfin
aux lisières du désastre