10

alors
dans le vide ainsi créé

ouvre ton coeur !
me chuchotent les vagues

ouvre ton coeur !
me martèle les vieux rochers
donne tout
largement
sans compter
dans une gerbe de rire
éclaboussant la plage

donne tout
sans compter

09

alors
dans le vide ainsi créé

au dessus du vieux rocher
folle corolle de plumes ébouriffées
avec sa pure joie d’être
et de danser

le cri des goélands
pour seule réponse
le cri des goélands
dans ma caboche fragile

le cri des goélands
et sa vérité rauque

08

alors
ces vieux récifs

loin de la pâle luminescence des écrans
ils martèlent la lumière de leur présence
si dense
ils donnent largement sans compter
l’énergie jaillissant
de leur ventre

et dans le vide ainsi créé

loin des métastases
de la grande ville

ils vous régénèrent.

07

alors
parmi tous ces vieux rochers
se dressant ironiques sur la mer

rôder autour de leurs blessures
en enjambant les failles
pour leur faire lâcher à la longue
leur secret

et dans le vide ainsi créé

un jour
à l’improviste
basculer dans leur monde intérieur
dans ce silence minéral
dont ils sont les gardiens

agressifs

06

alors
dans le vide ainsi créé

un oiseau s’élance du rocher

ponctuation rauque et libre
dans l’espace plénier
pour nous rappeler à la perfection
de sa trajectoire claire

mais les hommes regardent ailleurs
de l’autre côté
vers l’obscurité rassurante de leurs villes

vers les choses ordinaires.

05

alors
dans le vide ainsi créé

des griffures de rochers
barattant le lait de la mer nourricière

des formes fantasques et têtues
comme des poings serrés
des récifs rageurs
se jetant contre l’étrave des navires
à l’assaut de l’acier prétentieux

alors dans ce dédale de pierres
envahis de courants furieux

seul le coeur

sait se tracer son sillage
en évitant les naufrages

04

alors près de ces vieux récifs
lézardant au soleil

il faut savoir s’arrêter
s’immobiliser

laisser le temps toujours pressé
s’en aller
vers ses urgences

il faut savoir lâcher-prise
se dénouer de toute attente

et peut-être dans le vide ainsi créé

attraper au vol
une parole
un poème

serti de silence

03

alors
assis sur le sable
les mains posées l’une sur l’autre
comme une vasque

dans le vide ainsi créé

je laisse ces rages de récifs déverser leurs poèmes
je me laisse traverser
par leurs fulgurances

ils me soufflent
des mots immenses

des mots secrets

02

Il surgit
le récif

pour me sauver in extremis
du néant de cette vie qui s’effrite

pour m’extirper de mes pièges
me rappeler à la sève des origines

celle de la pierre
invulnérable
à toutes les tempêtes

à toutes les disparitions.