10

Au Tal
tu t’installes

quelques traces de pas sur le sable s’effacent déjà
des puces de mer sautillent de ci de là

au tempo hypnotique des vagues
le vide triomphe

au Tal
tu t’installes

dissoudre lentement la cuirasse des peurs
évaporer le moi patiemment
brûler toutes ses illusions

et gagner peu à peu les transparences intérieures

s’en aller loin là-bas
dans les profondeurs

avec la complicité des coquillages.

09

Au Tal
détale !

la solitude abrupte

pleine de sable, pleine d’absence
et de soleil emmêlée

le chant hypnotique des vagues
les légendes inquiétantes
des sirènes ovipares

au Tal
détale !

l’infini s’étale impudique

des morsures de ciel délirant

le sable tenace qui s’incruste partout
dans tes cils

la lumière aveuglante
où planent des oiseaux ivres d’altitude

ce silence qui lamine

des récifs cruels comme des énigmes

l’abîme de la déraison.

08

Au Tal

Le bal commence de bon matin

s’enrouler nu dans le sable
dans l’étreinte fluide des éléments

le plaisir d’être là

cri de joie trouant le silence

ici
personne ne te répondra

pas l’ombre d’une poussière de mots
posant son encre sur les choses

rien que l’infini rutilant de soleil

rien que le ciel éperdu de vide
où voguent les nuages
avec insouciance

rien que la fresque parfaite

de l’instant présent.

07

Silence
le Tal

ça se dénude
ça s’évide

le sable d’or
la mer et ses replis

un rocher veille
vigie tournée vers le soleil

silence
le Tal

ça se densifie

un surplus de sens

le tempo cosmique qui se balance

les vagues
toujours les vagues
la houle sautillante

le mental
n’en mène pas large
il s’effiloche au vent en lambeaux de mots

juste ce souffle sur ta peau

et de grands pans de lumière
dévalant la pente

du ciel.

06

Au Tal
la taloche du silence

les trous lumineux du vide

jambes repliées, ne plus bouger

fermer les yeux

sous les paupières
les transparences intérieures

la solitude princière

loin du taillis des hommes claquemurés

dans leurs villes.

05

Au Tal
témoigner

juste témoigner d’être là
allongé dans le sable

aucun commentaire superflu
aucune anecdote

les rochers sont compacts comme des statues
un oiseau piaille au loin son existence volatile
une voile blanche s’en va son chemin vers nulle part

les nuages divaguent dans le ciel bleu

personne

cette absence si délicieuse
sans désir sans futur sans bruit

l’immensité du présent
sans projet

la danse éternelle des vagues.

04

Au Tal
tu es arrivé

c’est ici
ta demeure
au creux du sable chaud

pose ton sac
rempli d’objets inutiles

pose ton corps
de tout son long
dans la tendresse du sable

reste là longtemps

comme un simple coquillage

égaré sur la plage.

03

Au Tal
la beauté inondante

la douce succion de la mer
quelques récifs évasifs

ne plus rien faire
– surtout ne plus rien faire

attendre que l’instant s’étire

recevoir
l’expansion du ciel

et déployer ses ailes

comme les grands oiseaux

de mer.

02

Au Tal
laisse le mental

s’estomper lentement à l’horizon
comme une brume sans importance

laisse l’infini féconder les mots du silence

laisse le blanc de la page

répandre son énigme.

01

Au Tal
lieu originel

mer d’huile
ciel de soie grise

balancement de la mer
dans le confort de l’éternité

un bateau éclabousse le silence

l’homme
cette tache d’encre

sur l’infinie beauté.