la Tour
est un hoquet de métal
un sursaut de façade lisse
une crispation d’étages entassés
dans le rêve soyeux du Ciel
s’étirant de tout son long.
la Tour
est un hoquet de métal
un sursaut de façade lisse
une crispation d’étages entassés
dans le rêve soyeux du Ciel
s’étirant de tout son long.
moi je suis le Ciel
j’aime me prêlasser
en déroulant avec insouciance
mon tapis de nuages
je suis source d’émerveillement et de connaissance
à qui sait faire la pause
pour me contempler
quand je passe au dessus des grandes villes
je m’amuse de ces foules affairées
tournant autour des Tours
sans jamais me regarder
moi je suis le Ciel
je prends mon temps
l’éternité est de mon côté
ainsi parlait le Ciel
à qui voulait l’entendre.
quelquefois la Tour pousse sa plainte :
» si je suis trop rigide
c’est parce que je suis à leur image
incapable de me détendre
toujours préoccupée du lendemain
si je suis si seule
sur ma terrasse de bois désolée
c’est parce qu’ils sont eux-mêmes
perclus de solitude
dans leurs bureaux climatisés
si je me sens parfois désespérée
c’est que je ne vois pas d’issue
à l’humaine souffrance
malgré tous mes livres accumulés »
le Ciel sait recevoir ces doléances
il les emmène plus loin
à dos de nuage
les dissoudre dans l’espace.
de temps en temps
le Ciel
se prend à éduquer la Tour :
» ne t’attache à rien
ne cramponne rien
ouvre largement tes fenêtres
baille de toutes tes portes ouvertes
prends modèle sur mes nuages
sans attache sans repère sans limite
ils ondoient légèrement sur mon dos
pour s’en aller nulle part »
de temps en temps
le Ciel prend des allures
de vieux sage.
Tour
en érection
jamais ne touchera
le Ciel
malgré ses prétentions
Tour froide
de verre et de bois
jamais ne connaitra l’orgasme
dans les bras
du Ciel
séducteur
avec ses oeillades bleues.
ce matin
le Ciel
fait des prouesses de lumière
il expose tous ses dons d’artiste
son génie créatif
la Tour
reste de glace
indifférente
hautaine
à l’écart de ces délires esthétiques
elle gère les stocks
elle classe
elle organise
elle thésorise les tables du savoir.
un jour
l’homme s’est imaginé
un vêtement de Tour
pour se sentir plus fort
plus puissant
invulnérable
cela amuse beaucoup
le Ciel
il se promène ironique
avec désinvolture
au dessus de ces prétentions
dérisoires.
c’est une époque de Tours
de chiffres
de certitudes bien quadrillées
une époque efficace
pragmatique
métallique
bardée de sciences et de techniques
mais le Ciel
dans une sorte de provocation incessante
reste évasif
il cultive le flou
l’évanescent
l’énigmatique.
Ciel est immense
dans son évidence
éclatante
triomphante
débordante
face à lui
la Tour dresse ses antennes
elle empile les logiciels
tisse sa toile virtuelle
pour se protéger
de cet envahissement céleste
pour tenter d’affirmer
coûte que coûte
son existence.