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Larguer les amarres,
un coup de sirène qui libère.
Les voyageurs sont près de toi
pour applaudir à l’appareillage.
Quitter enfin ce quai et tout son tintamarre !

L’étrave du vapeur dessine son sillage.
La vie est ce jeu fluide au milieu des vagues,
une escorte de goélands te font des signes en riant.

Les hommes sont là avec leurs femmes,
les vêtements sont frippés et les visages aussi,
les vieilles ont ces ventres difformes qui ont trop enfanté,
les hommes sont graisseux, leur regard est tenace,
toujours prêt à donner de la voix pour se chamailler,
mais leur courage est immence,
celui de survivre contre vents et marées.

Quelques filles posent pour la photo avec leurs fiancés,
lunettes noires et longs cheveux emmêlés,
le plaisir à fleur de peau
avide de vivre et de procréer.

Tu regardes, tu prends note
tu voudrais tout dire de cet instant qui s’étire
dans la lenteur du grand vapeur.
Tu te prends pour Henry Miller ou Blaise Cendrars,
des poèmes pleins la tête
à la gloire de ce monde
inondé de mer,
aspergé de soleil.

Trop de rêves, sans doute,
est-ce bien sérieux ?
Le pragmatisme de l’époque te demandera des comptes :
« Rêveur,
quel est l’efficacité de ton poème ? »