Embarquements
(quelques réflexions autour des barques)
Barques
Petits bateaux
Eaux calmes
Trompeuses
Miroir
De l’autre coté duquel,
Sous lequel,
Il se passe des choses,
Inavouables ;
Cela grouille, s’enroule et s’entortille.
Plates
Petits bateaux
Etendue d’eau plate
Etang
Dans lequel,
Pour reprendre le bon mot de Léon Ménard,
Professeur et auteur de manuels de philosophie,
Spiritualiste affirmé et contempteur de Heidegger
Celui-ci se serait
Noyé
(dans l’étant de l’être),
Fourvoyé
Et l’Etre lui-même oublié.
Immobiles,
Pour s’émouvoir,
Pour marcher
Ces petits bateaux
(sont-ils – tous – des barques
et ces barques des bateaux ?)
Ont-ils des jambes ?
Non
Mais des perches, des rames, des voiles, des moteurs
Quoique, au moins les grappins du Rhône
Marchent dans le fleuve
Aux fonds duquel ils s’agrippent
Pour se mouvoir :
Bouger.
Immobiles,
Mes barques à moi
Attendent
De mener en bateau
Hisser les voiles
Larguer les amarres
Partir
Car l’étrave de toute embarcation,
Barque,
Bateau, navire,
Bâtiment, son annexe ou frêle esquif
Yole, chaloupe, pirogue, radeau
(Fut-elle presque circulaire
Comme certains coracles
Où les antiques bateaux ronds enduits de bitume du Tigre et de l’Euphrate,
Et les outres gonflées enfourchées pour descendre les eaux de ces fleuves)
Toujours,
Comme le compas désigne le nord
Magnétique,
Pointe l’horizon
Et invite à l’embarquement,
A la poursuite
Ou à la rencontre du soleil
Qui le lèche, s’y cache
Et invite
A lever le voile des brumes et des brouillards
Dont il s’y pare
Pour glisser un œil, couler un regard, de l’autre coté du décor,
En coulisse.
Rêverie bercée par l’agitation des flots
Fantasme
Appareillage
Largage des amarres
Rupture
Mat, cheminée, panache de fumée
Erection d’une verticalité sur l’horizon
Crucifixion
Barque
Monture
Cheval, femme
Vaisseaux
Tous plus ou moins fantômes
Passage de la ligne
Passage de la nuit
Voyage de la barque
Sur l’envers de l’univers
Sur les eaux hantées par le serpent Apopi
De chaque soir jusqu’à chaque matin
Barque,
Cornes
Ou pattes du scarabée
Entre lesquelles Ré
Est poussé d’aujourd’hui à demain
Franchissement,
Passage,
Passage aussi à l’acte,
De la vie au trépas
Echouage
Echec
Et mat
Ou bien mate,
Jette un œil sur l’au-delà
De l’eau,
L’autre rive
Que l’horizon toujours éloigne
Mais dont l’étreinte inexorablement se resserre
Reconnaissance,
Voyages fantastiques :
De Cyrano de Bergerac
Dans les états et empires de la lune
Et, dans leur coffre (ultime embarcation),
Celui (des cotes du Liban aux rives du Nil)
Des restes démembrés d’Osiris
Que mythiquement
Enfourche et ranime
Isis
Delta fécond
Du fleuve
Que les anciens égyptiens confondaient avec la mer
Et dont les eaux bouillonnent d’impatience
A rejoindre le large.
Gérald Krafft
Mai 2008