Les histoires de barques sont nombreuses

Ramer toute sa vie

« J’ai entendu une histoire :
C’était une nuit de pleine lune… comme ce soir. La lune était pleine et la nuit était belle, aussi des amis eurent-ils envie de faire un tour en barque au milieu de la nuit. Ils voulaient s’amuser, et avant d’embarquer ils burent beaucoup. Puis ils montèrent dans le bateau, saisirent les rames et se mirent à ramer. Ils ramèrent pendant longtemps.
Au petit matin, lorsqu’un vent frais se mit à souffler, ils retrouvèrent leur esprit et se dirent : « Quelle distance avons-nous parcourue ? Nous avons ramé toute la nuit. »
Mais en regardant attentivement, ils s’aperçurent qu’ils étaient restés au bord du rivage où ils étaient la nuit précédente. Ils réalisèrent ce qu’ils avaient oublié de faire : ils avaient ramé très longtemps, mais ils avaient oublié de détacher la barque. »

Celui qui n’a pas détaché sa barque de la rive a beau souffrir et pleurer, sur cet océan infini du divin, il n’arrivera nulle part.
A quoi la barque de votre conscience est-elle attachée ? – elle est attachée à votre corps, à vos pensées et à vos émotions. Corps, pensées, émotions, c’est cela votre rive. En état d’ivresse, vous pouvez continuer à ramer pendant des vies, ad eternum.
Apprenez à détacher la barque. C’est très facile de ramer, mais c’est très difficile de détacher sa barque.
Ramakrishna a dit un jour « Détachez votre barque, hissez vos voiles et les vents du divin vous emporteront – vous n’aurez même pas besoin de ramer. »
Méditer signifie que vous détachez la barque.
Ce texte est tiré d’un livre d’Osho Rajneesh « La méditation pas à pas » Editions Accarias L’Originel

La collision avec la barque vide

« Imaginez que vous soyez allé vous promener en barque sur un lac, un jour de brume. Vous êtes là en train de ramer tanquillement quand tout à coup, une autre barque surgit de la brume. Elle arrive droit sur vous. Et crac ! C’est la collision ! Vous êtes furieux : qu’est-ce que ce crétin ! Moi qui venait juste de repeindre mon bateau, et il faut justement que cet imbécile vienne se jeter dedans ! Quand soudain, vous vous apercevez que la barque est vide : il n’y a personne dedans. Qu’advient-il alors de votre colère ? Eh bien,elle retombe tout simplement. Bon, vous dites vous, me voilà quitte pour repeindre mon bateau, c’est tout. mais imaginez vous qu’il y ait eu quelqu’un dans l’autre barque, qu’auriez-vous fait ? Vous voyez déjà le tableau d’ici ! »
En réalité, cette petite histoire illustre bien la nature de notre rapport au monde : la vie est une suite de rencontres avec des gens et des événements et à chaque fois, c’est un peu comme si une barque vide nous rentrait dedans. Le but même de la pratique spirituelle est de faire reculer ce que j’appellerai notre seuil de tolérance, de façon à pouvoir assumer la vie de mieux en mieux, car il n’y a que des barques vides…
Charlotte Joko Beck « Soyez Zen » Presses pocket

Une pièce d’or pour le passeur

Cette histoire m’a été raconté par Jean-Paul, un Seigneur de la mer, habitant sur l’île d’Hoedic en Bretagne :
« Autrefois, quand une personne mourrait, on prenait soin de mettre dans sa chaussette une pièce d’or pour le passeur qui, dans sa barque, avait pour mission de conduire l’âme de son client vers l’autre monde (enfer, purgatoire ou paradis) »

Siddhartha, le passeur et sa barque

C’est la 3e partie du célèbre livre de Hermann Hesse « Siddhartha ». Celui-ci, après une vie mouvementée consacrée d’abord à l’ascèse puis aux désirs et aux désillusions du monde, s’en retourne se retirer auprès d’un passeur et de sa barque, le long du grand fleuve, pour tenter enfin de réaliser la Sagesse. Hermann Hesse renoue avec la mythologie du Passeur qui, sur sa barque, grâce à sa sagesse, permet de conduire les âmes égarées sur l’autre Rive.
« Siddhartha resta auprès du passeur et apprit à se servir lui aussi de la barque. Quand il n’était pas occupé à passer, il travaillait dans une rizière avec Vasudeva, ramassait du bois et cueillait des bananes. Il sut bientôt fabriquer des rames, réparer la barque, tresser les corbeilles et s’intéressait vivement à tout ce que son compagnon lui enseignait. Mais si Vasudeva pouvait lui enseigner beaucoup de choses, le fleuve lui en enseignait davantage et cet enseignement durait sans interruption. La première chose qu’il apprit ce fut à écouter, à écouter d’un coeur tranquille, l’âme ouverte et attentive, sans passion, sans désir, sans jugement, sans opinion. Il vivait aux côtés de Vasudeva dans la plus étroite amitié et si parfois ils échangeaient quelques propos, ce n’était que pour se dire des choses brèves et mûrement réflèchies. Vasudeva n’aimait pas les longs discours et Siddhartha arrivait rarement à le faire parler. Un jour, il lui posa cette question : « Est-ce que le fleuve t’a aussi initié à ce mystère : que le temps n’existe pas ?
– Oui, Siddhartha, lui répondit-il. Tu veux dire sans doute que le fleuve est partout simultanément : à sa source et à son embouchure, à la cataracte, au bac, au rapide, dans la mer, à la montagne : partout en même temps, et qu’il n’y a pas pour lui la moindre parcelle de passé ou la plus petite idée d’avenir, mais seulement le présent.
– C’est cela dit Siddhartha. Et quand j’eus appris cela, je jetai un coup d’oeil sur ma vie, et elle m’apparut aussi comme un fleuve, et je vis que Siddhartha petit garçon n’était séparé de Siddhartha homme et de Siddharta vieillard par rien de réel, mais seulement par des ombres. »

Hermann Hesse « Siddhartha »  Le Livre de Poche
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Aller sur l’Autre Rive grâce à la barque du Dharma

Dans le « Dhammapada » : les dits du Bouddha, sous forme de stances ou de strophes retranscrivant en Pali l’enseignement basique du Bouddha, il est dit verset 85 :
« Peu parmi les hommes vont à l’Autre Rive, le reste des humains court çà et là sur cette rive »
Les traducteurs font le commentaire suivant : « aller à l’Autre Rive » : on reconnait là le mantra du Sutra du Coeur (Maha Prajna Paramita) : « paragate », « aller au delà. Le monde est comparé à la rive d’un fleuve, d’où, avec le radeau du Dhamma ou du Dharma en sanscrit, il est possible de passer sur l’Autre Rive, l’au delà de ce monde, le transphénoménal. »
Le radeau du Dharma, c’est bien sûr la barque du passeur qui permet, grâce à l’enseignement, à la doctrine, à la Loi énoncée par le Bouddha, d’aller au delà de l’illusion du monde phénoménal pour rejoindre le monde de l’Eveil.

Réguler ses états d’âme grâce à la métaphore de la barque

Christophe André, médecin psychiatre et psychothérapeute connu pour ses nombreux livres à succès, nous parle dans son dernier livre « Les états d’âme » de la métaphore de la barque pour réguler ses états d’âmes.
« De nombreuses métaphores peuvent être utilisées pour expliquer de manière imagée ce que peut être la régulation des états d’âme. Il y a celle du bateau sur le fleuve : on suit le courant (nos états d’âme) mais en tenant le gouvernail pour orienter tout de même notre barque ; on pourra ainsi accoster sur une rive, afin d’explorer le territoire (états d’âmes négatifs) ou sur une autre, afin de se ressourcer en provisions (états d’âme positifs). »

« Dead Man » et « Dawn by Law » de Jim Jarmusch au cinéma

Pour assister au passage en barque (ou en canoe) vers l’Autre Rive, voir la fin du sublissime film de Jim Jarmusch « Dead Man », quand « William Blake » (Johnny Depp) s’en va vers l’horizon de lumière allongé dans son canoé ultime, préparé par l’indien « Nobody » jouant le rôle du Passeur.
Dans « Dawn by Law », c’est l’équipée en barque de trois évadés de prison (Roberto Benigni, John Lurie et Tom Waits) dans un marécage labyrinthique. Quand l’Autre Rive est atteinte, la barque peut couler et tout se passe alors comme dans un conte de fée…

Une expérience de mort imminente dans une barque

C’est le témoignage d’un prêtre, le Père Patrice Gourrier, dans le dernier numéro de « l’Inexploré », le journal de l’INREES, dont le dossier est consacré à la mort :
« Ensuite, à ma requête, deux infirmière vinrent faire ma toilette, car je voulais être un mort présentable. Puis, fermant les yeux, je me laissai partir.
C’est alors que tout commença, et les images demeurent gravées à jamais dans mon esprit;
Rêve ou réalité, je me vis couché dans une barque aux rebords bas. Une ombre noire jeta l’amarre et s’éloigna lentement. Je sentis à ce moment là que je mourrais… La barque s’éloigna de la rive et dériva sur l’eau dans une grande douceur. Tout était calme, une brume légère comme éclairée de l’intérieur flottait à la surface de l’eau. Plus de douleur, plus de peur, mais la certitude d’être bien, serein, paisible. Plus la barque avançait, plus la lumière était blanche, baignant mon corps de sa clarté et de son calme.
Soudain, un visage se pencha sur moi, et j’entendis une voix me dire : « vous n’êtes pas mort ». C’était l’infirmière de la salle de réanimation qui savait que la veille, on m’avait annoncé que j’allais mourir.Une opération de la dernière chance avait été tentée, se soldant par un succès : j’étais vivant ! »