Le chemin
n’a plus vraiment d’importance
il n’y a plus de chemin
maintenant
juste des pas
en avançant
juste des pas
à l’infini
et une grande trouée de lumière.
Le chemin
n’a plus vraiment d’importance
il n’y a plus de chemin
maintenant
juste des pas
en avançant
juste des pas
à l’infini
et une grande trouée de lumière.
Tout est fini
de ces pas clairsemés sur le chemin
tu t’agenouilles au fond d’une cathédrale
tu refermes les yeux sur ta nuit intérieure
dans l’obscurité des profondeurs
surgit tout à coup
dans une gerbe de lumière étalée sur le vitrail
un petit gnome
tout droit venu d’ailleurs
il te parle
avec insistance
dans son langage de silence :
« vas
marches
lèves toi !
prends ton sac vidé de l’inutile
acceptes ce dénuement
ta nudité fragile
vas
dans ta nuit
toujours plus loin
ailleurs
au delà de tes oeillères
arraches toi à la lourdeur
des chemins trop fréquentés
laisses toi emmener
dans l’au-delà des rêves
dont je suis le gardien
fidèle ».
Par ces temps mécréants
la coquille s’est recyclée dans les carburants
le chemin se fait en roulant
à toute vitesse
bien enfermé en famille au chaud
dans sa boîte de métal
sous le ciel désespéremment plombé
il est conseillé d’utiliser
du « sans plomb ».
Ces pas
pour rien
pour l’inutile
pour l’inefficace
pour le geste gratuit
pour l’effort sans résultat
pour l’ineffable
pour la poésie sans contrainte
pour la beauté invisible et souveraine
pour l’aisance
de marcher
sans but
la tête
tout près du ciel
ces pas
pour rien.
Marcher de long en large
dans une église romane
belle
assez grande
ensoleillée
et ne penser à rien
à rien du tout
laisser le regard errer
laisser la pierre chanter
laisser le lieu dire
s’en aller bientôt
sans aucune hâte
le pas plus léger.
Tu arrives au pays des touristes en short
bien absorbés dans leur assiette
ils flottent dans le magret de canard
les confits d’oie
les gésiers et les gigots
affalés sur leur siège
ils se morfondent
l’oeil un peu vague
dans la torpeur accablante
d’un après-midi d’été
tu presses le pas.
Tu arrives au pays des grandes meules de foin
impossibles à bouger
elles attendent patiemment
sous les nuages en rage
l’engin qui pourrait enfin
les faire rouler
sur les pentes
de la liberté.
Tu traverses le pays de la vigne bien sage
alignée en rang d’oignons
c’est le doux pays de France
vallonnant avec insouciance
à flanc de coteaux
les papilles sont en émoi
pour d’interminables apéros
mais le soir dans la cheminée
on ne peut plus brûler les sarments de bois
tellement ils sont empoisonnés
c’est le doux pays de France
vallonnant avec insouciance
à flanc de coteaux.
Quelques fanions flottent au vent
souvenirs d’une fête lointaine
à jamais révolue
sur le parking
claque parfois
une porte d’automobile
comme la morsure
d’une époque
insensible et cruelle
tu détournes ton regard
vers l’intérieur.
Tu arrives au pays des clochers
de tôle rouillée
dédiés
au dieu « Rentabilité »
au loin
à l’horizon
l’élégance perdue
d’une église
amoureuse du ciel.