14-devenir-rien

devenir rien
devenir humble
devenir humain

au contact de la mer
en sa toute puissance

avec l’exacte conscience
de son impermanence

pas de manque ni de contrariété

juste humer l’air
sur la plage désertée
juste onduler de l’âme dans la houle
avec le picotement du soleil sur la peau
la caresse des vagues dans le sable

la mer déploie de tout son long
sa générosité bleue

le vent joue dans les cheveux
sa musique insouciante

devenir rien
devenir humble
devenir humain

13-sur-l-ile-2

de l’autre côté

sur l’île
au centre de la mer
à mille lieux de tout désastre possible

il suffit de lâcher prise
aux anxiétés du continent

de l’autre côté
sur l’île
il suffit de s’immerger doucement dans les flots
humer les parfums d’algues et de coraux
s’enrouler dans la courbe parfaite des vagues

il suffit de prendre note à chaque instant
avec les mots du poème
l’eau de l’aquarelle

en effleurant du pied
le sable mouillé des plages
la spirale des coquillages

de l’autre côté
sur l’île
il suffit de revenir à l’origine
à l’écoute
à l’école

recevoir l’être
dans le silence des récifs
le battement d’ailes
des grands oiseaux marins

de l’autre côté
sur l’île
au centre de la mer

à mille lieux de tout désastre possible

12-de-l-autre-cote-sur-l-ile

de l’autre côté

sur l’île
le souffle du vent
sur le ventre de la mer érectile

l’étalement liquide de l’être
cette fluidité rassurante
le bain de vigueur
dans les scintillements de l’écume

de l’autre côté
sur l’île
tout est futile
hors de propos
surtout les mots

rester là longtemps
dans l’éclat du présent
immobile

quand la mer est souveraine
à mille lieux de tout désastre possible

au loin
on entend le bruit d’un homme tapant sur sa pierre
avec entêtement

le bruit d’un homme porté par le vent
dans le fracas des vagues

11-la-lumiere-est-eblouissante

de l’autre côté

la lumière est éblouissante
la solitude rutilante
les automobiles roulent silencieusement
sur des coussins d’air

les fleurs sont rares
presque fanées
mais leurs parfums vous entrainent
vers le mystère

il n’y a plus de soucis à se faire
l’homme s’en va doucement
sur sa pente

de l’autre côté du désastre

vers sa métamorphose

10-se-laisser-devaler-la-pente

aux lisières du désastre

se laisser dévaler la pente
lâcher toutes les retenues
toutes les résistances

aux lisières du désastre
s’abandonner à la légèreté de la neige
aux transparences bleutées du ciel
à ce soleil qui crépite sa lumière

moi devenu inutile
dérisoire
sans raison

la montagne s’amuse à faire des vagues
profondes comme la nuit des temps
les arbres trônent triomphalement
lançant leurs branches vers le ciel

moi devenu inutile
dérisoire
sans raison

peut disparaître enfin
aux lisières du désastre

09-carcasse-d-objet-calcine

un jour
tout arrêter

tout arrêter

un jour
s’asseoir silencieusement
face aux décharges publiques
face à la fumée des incinérateurs
face aux carcasses d’objets calcinés
au cortège des hommes faméliques
errant à la périphérie de leurs villes saccagées

un jour
tout arrêter
s’asseoir et méditer
dans l’immobilité

en contemplant le désastre

d’un grand regard circulaire

étonné

08-fumee-jaune

le soleil crépitait de chaleur

il aurait fallu plonger dans la mer saumâtre
au milieu de l’obésité des femmes
poussant leurs petits cris de frayeur
face au rugissement des moteurs

on entendait le monde doucement s’engloutir
les banquises basculer avec fracas
la fumée jaune des grandes villes
s’incruster insidieusement
dans les poumons des nouveaux nés

la mer continuait à battre la cadence
comme si de rien n’était
mais ses vagues étaient lourdes
d’une vengeance possible

le silence luisait de sa vacuité bleue
sur ces plaines immenses
couvertes de déchets

le soleil crépitait de chaleur

nulle barque ne s’aventurait plus
à l’horizon désert

07-procession

la procession des ventres a commencé
interminable

ils enterrent les jours gâchés
l’ennui programmé
la défaite de leurs ambitions
leurs rêves fracassés
l’absurde compétition
la gabegie des désirs floués

ils se dirigent en chantant
vers des fosses communes
creusées à la hâte
dans les jardins publics

des médecins en blouse blanche
armés de leurs seringues
les accompagnent solennellement
dépassés par la gravité d’une épidémie
qu’aucun médicament ne peut plus enrayer

on entend parfois
dans les champs de banlieues
en friche et sans fleurs
le bruit sec de ces ventres
crevant comme des baudruches

trop gonflées

06-Trop-de-misere

trop…

trop de signes
trop de bruits
trop d’objets
trop d’objets accumulés dans les décharges
trop de villes dans l’arrogance de leurs tours d’acier
trop d’agitation en tout sens sur les trottoirs
trop de ventres obèses sur le point d’éclater
trop de haine incrustée dans les chairs
trop de misères débordant des taudis
trop de conflits trop de guerres
trop de saccages trop de tueries
trop d’exodes de la faim dans les déserts
trop d’exilés répandus sur les débarcadères
trop de richesses provocantes clinquantes étalées
trop d’injustices flagrantes
trop de corps affamés
trop de malheurs accumulés
trop de souffrances
trop de tout
trop c’est trop

retour au silence

retour nécessaire
à l’origine

05-le-frottis-lourd-des-pas

étrange

étrange ce bruitage incessant
ce charivari des jours furieux
cette course haletante dans la nuit

à la poursuite de rien

étrange
le grincement des escaliers mécaniques
au fond des métropolitains

le frottis lourd des pas
le soir
après la défaite quotidienne

étrange
la nuit désertée de tout rêve

et de temps en temps
dans une trouée de nuages déchirés
l’éclat de rire
inquiétant

du soleil